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Jules Ferry

1832-1893

Jules Ferry est né à Saint-Dié dans les Vosges le 5 avril 1832 d’un père avocat. Il semble d’abord vouloir suivre les traces de ce dernier en se lançant dans l’étude du droit et en s’inscrivant au barreau de Paris. Il plaide dans quelques affaires mais très vite se tourne vers le journalisme où l’on remarque son talent. Journaliste d’opposition, sa célébrité est acquise grâce à un article paru dans le journal Le Temps : " Les contes fantastiques d’Haussmann ". Sa carrière politique commence en 1869 lorsqu’il est élu député de la 6ème circonscription de la Seine sur un programme radical, anti-centralisateur et anti-militariste, il s’oppose à la déclaration de guerre contre la Prusse.

Après la défaite de Sedan, il entre au gouvernement de défense nationale et devient maire de Paris où sa circulaire du 10 décembre exigeant des restrictions alimentaires lui vaut le surnom de " Ferry la famine ". Il quitte Paris pour Versailles pendant l’insurrection communarde, après avoir été élu député des Vosges le 8 février 1871, mandat qu’il détiendra jusqu’en 1889. Le gouvernement Thiers l’envoie en Grèce comme ministre plénipotentiaire, mais dès la chute de celui-ci il revient à la Chambre où, avec Gambetta et Grévy, il devient une figure de l’opposition. Chef de la Gauche républicaine, il se fait remarquer par de violentes altercations avec le duc de Broglie et le général de Rochebouët après la crise du 16 mai 1877 où une motion de défiance envers la politique de Patrice de Mac-Mahon est votée par 363 députés contre 158.


Jules Ferry au gouvernement

Le 4 février 1879, il est appelé par Jules Grévy pour être ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, poste qu’il occupera presque sans interruption jusqu’en novembre 1883. Tout en conservant cette fonction, il sera président du Conseil de septembre 1880 à novembre 1881 et à nouveau à partir de février 1883. Lors de ce second ministère, il prendra le portefeuille des affaires étrangères qu’il conservera jusqu’au renversement de son cabinet le 6 avril 1885. Incarnant la gauche " opportuniste ", il s’illustre par sa politique scolaire puis, à partir de 1883, par sa politique coloniale. Celle-ci se heurtant à l’hostilité de la droite comme de l’extrême gauche, Jules Ferry est battu aux élections présidentielles de 1887. Sa candidature est en particulier vivement attaquée par les boulangistes qui ne lui pardonnent pas d’avoir surnommé le général Boulanger " César de café-concert ". Il est d’ailleurs victime d’un attentat au Palais-Bourbon quelques jours après l’élection. Après avoir été battu aux élections législatives de 1889, Jules Ferry, par ailleurs président du Conseil général des Vosges, est élu au Sénat en 1891. Il y préside la commission des douanes et la commission de l’Algérie pour laquelle il fera une longue mission en Algérie en avril-juin 1892. En 1893 il apparaît comme candidat naturel à la Présidence du Sénat où il est élu dès le premier tour. Il ne peut exercer cette charge qu’une vingtaine de jours, puisqu’il meurt d’une crise cardiaque le 17 mars 1893, ce qui fait de lui le Président de la Haute Assemblée au mandat le plus court.


Jules Ferry et le Sénat

Les relations entre Jules Ferry et la Haute Assemblée ont été longtemps conflictuelles. C’est en effet le Sénat qui repousse le fameux " article 7 " en mars 1880 et qui réussit à mettre en échec l’obligation et la gratuité scolaire jusqu’en juillet 1881. Pourtant l’homme d’État soutient le Sénat lors de la révision constitutionnelle de 1884. En effet, initiée par la gauche, la révision de la Constitution de 1875 se voulait radicale. Jules Ferry la souhaite modérée : les sénateurs inamovibles sont supprimés et remplacés au fur et à mesure de leur disparition par des sénateurs élus. Ferry a évité que l’existence du Sénat, dénoncée par l’extrême-gauche, à l’image de Madier de Montjau qui parlait du Sénat comme d’un " sabot ", ne soit remise en question. Et " le Sénat de s’accrocher à Ferry comme à son protecteur (…) contre les méchants de l’extrême-gauche qui voulaient sa mort " (Jean-Jacques Chevallier). Jules Ferry a été, en effet, le premier à concevoir la Haute Assemblée comme celle de la démocratie rurale. Il insistait également sur l’utilité du bicamérisme, comme il l’a notamment souligné dans son discours d’investiture du 27 février 1893.


La politique scolaire de Jules Ferry

C’est ce que l’on retient en général de l’œuvre de Jules Ferry : il est vrai que c’est peut-être son action dans ce domaine qui a contribué le plus durablement à installer la République. Le 15 mars 1879, Jules Ferry dépose sur le bureau de la Chambre deux projets de loi. Le premier prévoit une réforme du Conseil supérieur de l’instruction publique et le second un aménagement substantiel de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un premier pas vers la laïcité car Jules Ferry veut en fait éliminer les ecclésiastiques des conseils académiques et des facultés d’Etat. L’article 7 du second projet provoque un vrai tollé puisqu’il interdit aux membres des congrégations non autorisées d’enseigner : 500 congrégations sont concernées dont les Maristes, les Jésuites et les Dominicains. A la rentrée parlementaire de 1880, une série de nouveaux projets sont déposés, concernant la gratuité et la laïcité de l’enseignement des jeunes filles. Malgré de fortes réticences d’une partie de l’opinion publique et du Sénat (qui repousse l’article 7 en mars 1880 par 148 voix contre 129 grâce à la défection du centre-gauche de Jules Simon), plusieurs lois sont votées entre 1881 et 1884, lois dont la philosophie générale a pu être résumée dans les trois termes " gratuité, obligation, laïcité ". La gratuité est votée en juin 1881, l’obligation scolaire (entre 6 et 13 ans) en mars 1882 comme la laïcité. De plus, une Ecole normale de jeunes filles est fondée à Sèvres.


Jules Ferry a donc tenu la promesse qu’il avait faite à Paris le 10 avril 1870 : " je me suis fait un serment : entre toutes les nécessités du temps présent, entre tous les problèmes, j’en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j’ai d’intelligence, tout ce que j’ai d’âme, de cœur, de puissance physique et morale, c’est le problème de l’éducation du peuple ".


Dans l'esprit des républicains des années 1880, la consolidation du régime politique né en 1875 passe par l'instruction publique. En laïcisant l'école, ils veulent affranchir les consciences de l'emprise de l'Église et fortifier la patrie en formant les citoyens, toutes classes confondues, sur les mêmes bancs. Cette réorganisation de l'enseignement exige une réforme en deux temps. Tout d'abord, pour libérer l'enseignement de l'influence des religieux, le gouvernement crée des écoles normales, dans chaque département, pour assurer la formation d'instituteurs laïcs destinés à remplacer le personnel congréganiste (loi du 9 août 1879 sur l'établissement des écoles normales primaires). Parallèlement, les personnalités étrangères à l'enseignement, et notamment les représentants de l'Église, sont exclus du Conseil supérieur de l'instruction publique (loi du 27 février 1880 relative au Conseil supérieur de l'instruction publique et aux conseils académiques). Enfin, l'article 7 de la loi du 18 mars 1880 relative à la liberté de l'enseignement supérieur cherche à empêcher les membres des congrégations non autorisées à participer à l'enseignement, qu'il soit public ou libre, primaire, secondaire ou supérieur. Cependant, cette disposition est rejetée par le Sénat, puis par la Chambre des députés.


Cette première phase passée, les républicains poursuivent la mise en place d'une école laïque mais, pour diviser les résistances, ils fractionnent la réforme en deux temps. Ils commencent par prononcer la gratuité de l'école publique (loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue de l'enseignement primaire dans les écoles publiques) et exigent que les instituteurs obtiennent un brevet de capacité pour pouvoir enseigner dans les écoles élémentaires (loi du 16 juin 1881 relative aux titres de capacité de l'enseignement primaire). Ils affirment ensuite l'obligation, pour les enfants des deux sexes, de fréquenter l'école de 6 à 13 ans (loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire).


Dans l'immédiat, les lois scolaires de Jules Ferry apportent peu de changements. Le caractère obligatoire de l'enseignement ne fait qu'entériner un mouvement de scolarisation de masse déjà commencé. La véritable plus-value de ces textes porte sur la scolarisation des filles et des enfants des campagnes, que les parents sont obligés d'envoyer à l'école alors qu'ils préféraient les voir participer aux tâches ménagères ou travailler dans les champs. La loi Camille Sée du 21 décembre 1880 avait déjà fait un pas en ce sens en organisant l'enseignement secondaire des jeunes filles. Quant aux religieux, ils restent en fonction dans les écoles élémentaires après l'obtention du brevet de capacité. C'est la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire qui les en écarte en ordonnant la laïcisation progressive du personnel des écoles publiques.


Décès et hommage national

Il échappe par deux fois, en 1883 et 1885, à des attentats perpétrés contre lui, le second par un déséquilibré partisan de Clemenceau, qui lui laisse une balle dans la poitrine. Cela le handicape jusqu'à sa mort d'une crise cardiaque au 1 rue Bayard, le 17 mars 1893. Il est décidé de lui faire des funérailles nationales (loi du 20 mars 1893 débloquant un crédit de 20 000 francs), mais la famille refuse en raison de son hostilité à l'égard du gouvernement, estimant que Clemenceau, en particulier, a cherché par tous les moyens à discréditer Ferry ; on lui attribue ce cruel portrait de celui dont il renversa le gouvernement en mars 1885 : "Pas un malhonnête homme, mais du point de vue de l'intelligence, en-dessous du médiocre. Ces gens-là habituellement ont au moins la parole, ils n'expriment peut-être que du vent, mais ils l'expriment (...). Et si on en a fait un président du Conseil, c'est précisément parce qu'il n'était bon à rien".


Des obsèques nationales ont cependant lieu le 22 mars dans la cour d'honneur du Palais du Luxembourg puis un immense cortège conduit la dépouille de Ferry jusqu'à la gare de l'Est d'où un train spécial l’emmène vers les Vosges. Ferry y est inhumé le lendemain dans le caveau familial à Saint-Dié, selon son testament « en face de cette ligne bleue des Vosges d'où monte jusqu'à mon cœur fidèle la plainte touchante des vaincus ».


Jules Ferry jugé par ses contemporains

Auréolé des lauriers d’une laïcité scolaire républicaine, le personnage public s’est statufié. Il faut retrouver l'homme et dépasser son austérité glaciale et sa modération légendaire. Élevé dans une famille aisée et catholique, le jeune homme représente la troisième génération d’une famille d’artisans du métier du feu enrichi après la Révolution et engagée dès 1789 pour la République. Le jeune journaliste, polémiste et provocateur, a séduit les opposants au régime napoléonien par son sens de la dérision et de l’humour. Il faut surtout un grand courage physique ou une terrible insouciance bonhomme pour fronder un régime politique, d’essence dictatoriale, même sur la défensive après 1860. Et la facilité d’expression de Ferry déconcerte même les anciens conservateurs royalistes. Ses idées politiques, modérées, sont celles d’un républicain de Centre Gauche. Le vieux Thiers entrevoit chez ce jeune journaliste formé au Droit une grande carrière un peu à son image.


Proche des populations rurales

Les témoignages des populations rurales de la montagne vosgienne attestent les pratiques des familles aisées, parmi lesquelles les Ferry en leurs époques prospères; un des leurs engrossant une jeune femme de condition modeste, elles achetaient un silence respectueux et garantissaient l’existence de la jeune fille-mère en lui offrant une ferme. L’homme public sort incontestablement aigri du siège de Paris et de la révolte de la Commune. L’élu victorieux du Thillot affiche un mépris violent face aux provinciaux siégeant au conseil général des Vosges. Plus tard, assagi après sa crise mystique et amoureuse de l’année 1875, il garde constamment à l’esprit la nécessité d’éduquer les classes laborieuses afin d’empêcher les révolutions fracassantes et fixer surtout les populations rurales à la glèbe, prenant autant modèle sur la précédente politique rurale de Napoléon III que sur les paysans pacifiques et croyants de sa montagne natale. L’homme politique craint les effets dévastateurs de l’exode rural.


Sa loi de 1882 (école laïque et instruction obligatoire), à cause de l'obligation d'utiliser la seule langue française, a sérieusement réduit l'usage des langues locales, en particulier le breton ou l'occitan. L'enseignement français étant obligatoire, quiconque parlait en patois ou une langue régionale à l'école se voyait puni. Les pratiquants ont ainsi développé une certaine honte à parler leur langue maternelle et les militants des langues locales en rendent souvent coupable l'école de Ferry. L'objectif était cependant que tous les Français puissent comprendre les lois et règlements affichés, et aussi manœuvrer ensemble en cas de guerre.


Un homme peu aimé des écrivains

Émile Erckmann, écrivain, le décrit au début de la décennie 1870 avec ces deux mots : « le petit gros ». Il souligne ainsi avec cette description physique banale l’aptitude de l’homme politique à passer des salons des Goguel, possesseurs du château de l’Ermitage, aux moindres petits estaminets pour les besoins de sa campagne à Saint-Dié. Erckmann semble peu apprécier l’homme public, au style sec du début des années 1870. L’écrivain George Sand a également laissé un portrait au vitriol du politicien.



Bibliographie


Œuvres de Jules Ferry

• « De l'égalité d'éducation : conférence populaire faite à la Salle Molière le 10 avril 1870 », Hachette Livre BNF, 2016

• « Discours et opinions. Le second Empire, la guerre et la Commune », Hachette Livre BNF, 2016

• « Discours et opinions de Jules Ferry. Les lois scolaires (suite et fin) : lois sur l'enseignement: des jeunes filles, sur la gratuité, l'obligation et la laïcité de l'enseignement primaire... », Hachette Livre BNF, 2013

• « Discours Et Opinions de Jules Ferry » en trois volumes, Nabu Press


Ecrits sur Jules Ferry

• « Jules Ferry, une volonté pour la République » par Pierre Barral, Éditions Serpentoises, 1985.

• « Jules Ferry, fondateur de la République », par François Furet (dir.), EHESS, 1985.

• « Jules Ferry » par Jean-Michel Gaillard, Paris, Fayard, 1989.

• « Jules Ferry : la République éducatrice », par Claude Lelièvre, Hachette éducation, 1999.

• « Jules Ferry. La liberté et la tradition », par Mona Ozouf, Gallimard, 2014.

• Lettre aux instituteurs, Paris, Mazeto Square, coll. « Ab initio », 2015, 20 p. (ISBN 978-2-919229-19-2)

• "Jules Ferry, un amoureux de la République", par Vianney Huguenot, éditions Vent d'Est, 2014

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