Un débat sur la laïcité
Alain Renaut et Alain Touraine
2005
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Stock

Votée en mars 2004, la loi interdisant à l'école les " signes religieux ostensibles " a été diversement commentée mais sans donner lieu au débat de fond qu'elle appelle. Car, au-delà de la question limitée sur laquelle elle statue, elle offre le grand intérêt d'éclairer l'histoire et la politique françaises de la reconnaissance des diversités culturelles. La France règle-t-elle ce problème d'une tout autre façon que ses voisins européens ? Et que dire du Canada, des États-Unis ou de l'Amérique latine ? Traiter la loi de mars 2004 comme un révélateur des grandes options françaises en matière de laïcité, de rapport à l'État et de politique de la reconnaissance, tel est l'objet de ce débat profond, subtil et dont on sort avec plus de perplexités qu'on ne s'y attendait. Car les deux interlocuteurs partagent les mêmes valeurs républicaines, et aussi la conviction que l'État doit empêcher la constitution d'isolats dans la République. Mais à partir de cette conviction commune, que fait-on ? Faut-il penser, comme Alain Touraine, que la loi s'imposait pour marquer un coup d'arrêt à une dérive fondamentaliste ? Ou bien, comme Alain Renaut, qu'en fabriquant une loi d'exception, faite pour contenter l'opinion, on a créé un précédent grave ? Difficile question, qui mérite bien quelques heures de lecture.
Un an après le vote de la loi sur le foulard islamique, il convient de faire le point. Fallait-il voter cette loi ? A-t-elle réglé les problèmes ? Deux auteurs bien connus ont choisi d’en débattre : Alain Touraine, sociologue, a fait partie de la commission Stasi dont le rapport a été à l’origine de la loi ; Alain Renaut, professeur de philosophie politique, est connu pour ses prises de position en faveur d’un multiculturalisme raisonné. Ils partagent les mêmes valeurs républicaines. Mais ils divergent sur les moyens à employer pour faire face à la montée du fondamentalisme musulman, sur les moyens de reconnaître les droits des minorités culturelles, sur le rôle de l’école. Alain Renaut est fondamentalement opposé à la loi et, d’une façon générale, très critique à l’égard de la politique française en matière de reconnaissance de la diversité culturelle. Alain Touraine continue de défendre la loi sur le foulard, dont il pense qu’elle a servi à marquer un cran d’arrêt dans la pénétration des fondamentalistes.