Marie Curie
Janine Trotereau
2011
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Gallimard
Historienne, journaliste, auteur d'ouvrages relevant de l'histoire, de l'architecture, du tourisme, de la gastronomie et des traditions populaires, Janine Trotereau, après une remarquable biographie de Louis Pasteur (Gallimard, 2008), donne ici la version la plus achevée de la vie de Marie Curie.
« On lui a rendu hommage en donnant à des rues, des lycées, des écoles, des universités, son nom généralement associé à celui de son époux, Pierre, disparu prématurément trois ans après qu'ils ont reçu, ensemble, le prix Nobel de physique pour leur découverte du radium. Et cette mort tragique d'un compagnon de vie et de recherches au crâne fracassé, brillant scientifique fauché dans la fleur de l'âge, renforce encore l'image d'une femme stoïque, au deuil éternel, sorte de sainte laïque, de Vierge de la science, libre, seule contre tous, entièrement consacrée à son grand ouvre, la radioactivité. Et cela d'autant plus que la célèbre "baraque en bois" qui lui servit à ses débuts de laboratoire, éternellement décrite dans les gazettes de l'époque avec force détails sordides, a contribué à faire d'elle une sorte d'humble Cosette, de victime de la science face aux Thénardier de la physique et de la chimie de son temps. » Evitant brillamment les clichés, retouchant une image jusqu'alors caricaturalement déformée, Janine Trotereau dépeint avec une mordante analyse la vie de cette scientifique première en tout qui brava l'Académie des sciences et le conformisme ambiant. D'une grande justesse de ton, fertile en citations passionnantes, cette évocation vigoureuse et sensible retient l'essentiel de la masse des documents, des théories et des faits relatifs à son sujet. Au terme de cette passionnante biographie, tout aussi accessible qu'extrêmement référencée, c'est une autre image de Marie Curie qui prend forme. Celle d'une femme vivante et sportive qui danse, plaisante, aime, enfante, travaille avec acharnement et enseigne avec passion. Par sa clarté et sa rigueur, ce Marie Curie est un modèle rarement atteint de biographie scientifique.
"Nous ne pouvons pas construire un monde meilleur sans améliorer les individus. Dans ce but, chacun de nous doit travailler à son propre perfectionnement, tout en acceptant dans la vie générale de l'Humanité sa part de responsabilités." La légende n'a voulu retenir de Marie Curie (1867-1934) que l'image d'une travailleuse acharnée et brillante, pionnière dans le domaine de la radioactivité, et prix Nobel à deux reprises. Mais ne fut-elle pas aussi une mère attentive, une épouse dévouée, une amante passionnée, une femme perdue en un temps qui lui refusa la reconnaissance qu'elle méritait ? Dans cette France de la Belle Époque où Mirbeau affirme que le rôle unique de la femme consiste à "perpétuer la race", Marya Salomea Sklodowska, la Polonaise, fut traitée d'"étrangère", d'"intellectuelle athée", de "femme émancipée". Quand elle meurt en juillet 1934, "usée par un travail écrasant, seule et sans défense", comme l'écrit sa fille Ève, son enterrement ne donne lieu à aucune cérémonie ni discours officiel.