LA DEDICACE DE L'AUTEUR : Je suis électeur. Il est difficile de l'oublier dans les temps actuels. Malgré un narcissisme bien partagé que les candidats flattent à l'unisson, cette qualité est collective. Comprendre comment nous sommes devenus électeurs n'est pas une enquête austère sur des règles juridiques mais la découverte de l'apprentissage d'un rôle concret. Il faut alors une sorte de curiosité généalogique. Les anciens électeurs sont émouvants parce qu'ils sont ces aïeux, à la fois proches et lointains, qui posent sur les vieilles photos de famille. Au cours d'une longue fréquentation des archives, je me suis amusé à découvrir les cocasseries qui, pour prêter à sourire, n'en disaient pas moins sur les hésitations et les méprises de ces apprentis. Devenu un objet d'histoire, l'art de tricher est par exemple devenu un motif d'émerveillement plus que d'indignation. Au regard des élections d'aujourd'hui, compassées et figées dans la rigueur du rituel et peut-être dans l'ennui des débats convenus, la fête électorale d'autrefois laisse souvent perplexe. Les réactions personnelles indiquent alors que ces aïeux ont laissé un héritage : il faut passer par eux pour comprendre comment chacun se sent électeur avec autant d'évidence mais aussi pourquoi certains deviennent plus facilement abstentionnistes. (Alain Garrigou)

Comment les Français et les Françaises sont-ils devenus électeurs ? Une histoire sociale du suffrage universel s'intéresse aux gestes et objets du vote plus qu'aux débats doctrinaux. L'apprentissage citoyen n'a pas été simple. L'effervescence des élections d'antan a fait place à la rigueur d'un rituel. Ordonnée à la conquête de millions de voix, la politique est devenue une affaire d'opinion personnelle pour les électeurs et de métier pour quelques élus. Les relations électorales ont continué à se transformer avec les usages de la télévision et des sondages. Pourtant, l'institution par excellence de la démocratie semble aujourd'hui affectée par une étrange langueur.